
Dans la revue Scientific American, la chercheuse Zeynep Tufekci signe un article où elle nous explique pourquoi trop d’information ne nous aide presque jamais à prendre les meilleures décisions. Noyés sous un flux de données souvent contradictoires, nous nous perdons et ne savons plus quoi penser ni que faire. Un phénomène très lié à la surcharge informationnelle et qui vient interroger l’usage des Data comme moyen d’aide à la prise de décision dans un monde incertain.
C’est l’histoire de la chercheuse qui raconte comment elle a dû faire face devant un choix cornélien l’an dernier face à deux ouragans s’approchant de sa localité. Faut-il rester ou partir, sachant que rien ne vous oblige à quitter votre domicile s’il n’est pas dans la zone d’évacuation. Zeynep Tufekci notre chercheuse s’est d’abord renseignée par la télévision où les dangers ont-été exagérés semble-t-il. Mieux vaut s’assurer que tous ceux qui devraient fuir le fassent plutôt que de rester et prendre le risque, même si cela s’avère inutile. Pas trop avancée, la chercheuse se plonge sur internet où des experts climatologues argumentent dans un sens comme de l’autre : s’ensuit un flux de discussions entre experts.
1. Less is more
(=Moins c’est plus). A cette étape, notre chercheuse nous explique être en possession de trop d’informations pour faire un choix. Nous avons tous vécu cette situation en nous promenant à travers 200 chaînes de télévisions, sans parvenir à se décider. Dans la plupart des cas : trop d’options nous limite, c’est la « paralysie de l’action » qu’a décrit Barry Swhartz dans son livre : « The paradox of choices : why more is less ». On pourrait comprendre ce titre par : « la simplicité est préférable à la complexité ». L’autre paradoxe, nos modèles sont de plus en plus capables d’anticiper de grands évènements, comme un ouragan, mais ne sont pas toujours capables pour nous guider dans les petites actions : il y a une très grande différence entre « avoir beaucoup de données » et « avoir une information ». Ce qui limite la data science selon Zeynep Tufekci, c’est cette étape intermédiaire dont-elle n’est pas toujours capable d’offrir.
Bien entendu, ceci n’enlève pas tout l’intérêt qu’il y a à calculer, mesurer et prédire des évènements dans le temps.
Dans notre société, où l’on vante les grands mérites de l’information et où tout le savoir est disponible instantanément, la prise de décision est au contraire de plus en plus moins simple et moins claire.
Plusieurs phénomènes expliquent cet état de fait, nous pouvons en dénombrer deux ici qui ne sont pas nouveaux et dont le premier, proche de ce que dit Zeynep Tufekci : plus on découvre de nouvelles choses, de nouvelles informations sur le web, plus on se rend compte qu’on ne sait rien. Ceci est probablement une des caractéristiques du progrès scientifique qui ne fait que repousser les limites de notre ignorance. Chaque petit pas dans la connaissance scientifique augmente un petit peu notre savoir, mais augmente notre ignorance en apportant de nouvelles interrogations.
Nous sommes constamment confrontés à cette situation quand on fait une recherche sur Google ; combien de fois à partir d’un sujet de recherche, on se retrouve à naviguer durant des longs moments sur internet. Une simple requête sur la page d’accueil de Google peut nous acheminer vers de nombreux sites web, ensuite sur des forums de discussions où les avis sont interminables et se contredisent parfois. C’est une sensation d’être noyé dans un tourbillon de vagues d’informations qui n’a pas de fin. Ceci peut provoquer chez certaines personnes aux profils moins patients sur internet une forme d’agacement, voir de frustration.
Parce qu’on croit à la disponibilité immédiate de l’information recherchée, hors cette information n’est pas toujours disponible malgré la masse énorme de data.
2. It’s too complicated
Le deuxième phénomène est la suite du premier. Dans la plupart des cas, quand nous sommes confrontés à une variété de points de vue, on risque de se décourager pour comprendre une situation, voire de tomber dans un relativisme : « c’est trop compliqué ».
C’est à se demander si de cette surcharge cognitive qui en résulte, il n’y a pas là un risque de voir certains individus s’isoler.
Effectivement, soumettre des individus à un flux d’informations contradictoires peut les désorienter.
Internet peut alors devenir un monde où l’on ne prend plus de décisions pour notre vie à grandes et petites échelles ; la grande masse de donnée tue la prise de décision.
Pour certains, ce sont des documentaires spécialisés sur Youtube qui refont et rythment leurs vies ; nous avons tous une ou un proche qui se donne à ce genre de pratique. Ou alors nous l’avons expérimenté soi-même. Ce genre de comportement exacerbée peut conduire à un isolement plus ou moins total de certains individus, qui peut durer plusieurs années
Nilton Da Rosa
« More data don’t necessarily help you make small decisions » in Scientific American, by Zeynep Tufekci on March 1. 2019